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15 Avr 2013

Compositeur : Gustav Mahler 
Chef d'Orchestre : Eliahu Inbal
Orchestre : Frankfurt Radio Symphony Orchestra

 

 

"La composition

Dans la nuit du 24 au 25 février 1901, Mahler faillit mourir d'une très grave hémorragie intestinale. Les médecins lui avouèrent le lendemain qu'il ne devait la vie qu'à leur intervention rapide. Ainsi s'explique sans doute le caractère presque exclusivement funèbre ou désespéré des musiques qu'il compose pendant l'été suivant: quatre Rückert Lieder, trois Kindertoten Lieder, ainsi que les premiers mouvements de la Cinquième Symphonie. Seul fait exception le premier en date des cinq mouvements, le Scherzo, que l'on peut interpréter comme un nouveau Dankgesang eines Genesenen [Chant de reconnaissance d'un convalescent], à la manière du Largo du 15ème Quatuor de Beethoven. En effet, il s'agit chez Mahler d'un des rares moments d'optimisme total et d'une musique qui, toute entière, respire le bonheur et la joie de vivre. En revanche, rien n'est plus sombre, plus désespéré, que les deux premiers mouvements dont tout porte à croire que Mahler les a au moins esquissés au cours du même été. L'année suivante, Mahler complète la Symphonie avec une dernière "partie" comprenant le célèbre Adagietto et le Rondo Finale. Il innove ainsi une architecture qu'il réutilisera à peu de choses près dans la Septième Symphonie. Jamais, cependant, il ne lui arrivera de faire comme ici du Scherzo le véritable noyau, le centre de l'ouvrage. Et jamais d'ailleurs, il n'en composera une autre, aussi vaste, aussi complexe et aussi polyphonique.
Lorsque Mahler revient à Maiernigg à la fin de juin 1902, il commence une nouvelle vie. En effet, il et accompagné de sa jeune et radieuse épouse, Alma, qui désormais remplace sa sœur Justi comme maîtresse de maison. Alma est musicienne, elle a composé, elle joue fort bien du piano et mettra bientôt le métier qu'elle s'est acquis au service de son époux, en passant de longues heures à copier la partition de la nouvelle symphonie. Enfermé dans son Häuschen, son studio isolé au cœur de la forêt, Mahler n'en redescend en général que très tard pour prendre un bain dans le lac avant de déjeuner. Il ne tient pas son épouse au courant de son travail créateur, mais compose en secret pour elle un Lied, Liebst du um Schönheit, qui est l'une des plus belles déclarations d'amour jamais dédiées par un compositeur à sa compagne.

Le 24 août, trois jours avant de repartir pour Vienne, Mahler écrit à deux de ses amis pour leur annoncer l'achèvement de son œuvre. C'est alors qu'il choisit de partager avec Alma le bonheur du travail accompli. "Presque solennellement", il la prend par le bras pour monter au Häuschen, où il lui joue au piano la symphonie toute entière. Alma se déclare conquise par l'ensemble, tout en contestant l'apothéose finale, le Choral de cuivres, qui lui paraît "ecclésiastique et inintéressant". Mahler lui cite alors l'exemple de Bruckner et de ses apothéoses en forme de Chorals, mais renonce à lui dévoiler toute l'ambiguïté de ce triomphe, qui reproduit note pour note l'un des fragments mélodiques lancés avec humour et désinvolture par la clarinette dans les premières mesures du Rondo.

Pendant l'hiver, Mahler met comme toujours au point les détails de sa partition, dont il n'achèvera la copie définitive qu'à l'automne de 1903, après que son épouse a terminé la sienne. Mais l'histoire de la Cinquième ne fait alors que commencer"  http://gustavmahler.net.free.fr/symph5.html

 

Cet enregistrement vaut principalement par sa qualité d'enregistrement, proprement stupéfiante. L'interprétation, ou la retranscription très dans le texte, des symphonies de Mahler par Inbal fit référence dans les années 80. Pour la première fois, les tempi étaient ralentis et tous les pupitres de l'orchestre étaient traités à égalité. Maintenant le "souffle" malhérien peut paraître absent...

 

Note Technique : 18/20
Une Référence dans l'enregistrement studio d'un Orchestre avec seulement 2 microphones - Très belle spatialisation. Préférer et de loin l'édition Denon japon
Référence :  Denon - Brilliant Classic
Année :  23 et 25 juin 1986

Liens :

   QOBUZ 

 

 "Pour moi, les symphonies de Mahler sont une unité, une gigantesque symphonie en onze mouvements, mieux encore, un seul grand roman de onze chapitres, composé des dix symphonies et de «Das Lied von der Erde» (Le Chant de la Terre). Tout dans ce roman est intimement lié et ne se comprend (et ne peut par conséquent être correctement interprété) que replacé dans le contexte de l'ensemble. La Huitième Symphonie par exemple ne peut être réellement comprise que mise en relation avec la Neuvième Symphonie et «Das Lied von der Erde». La Huitième Symphonie ne peut venir qu'avant «Das Lied von der Erde» et la Neuvième Symphonie, comme le dernier moment d'euphorie éprouvé par quelqu'un sur le point de mourir. Car seule la Huitième a l'apparence de la célébration, du bonheur et de la paix universelle. Grâce à l'expérience acquise, on ressent quelque chose de forcé dans cette célébration d'un optimisme illusoire. Elle représente un envol dans le grandiose; le Mahler hurlant, doutant, cherchant, est ici plus présent que jamais. Ceci devient particulièrement évident si l'on consulte les chapitres du roman qui suivent la Huitième. La Huitième Symphonie est inextricablement liée aux origines de la Neuvième de par sa luminosité et son empressement à affronter la mort.

On doit être prêt à accepter chez Mahler le déplaisant et le banal en tant qu'éléments d'expression esthétique et à faire naître ces éléments de l'orchestre. Les musiciens orchestraux ont souvent tendance à enjoliver la musique ou les fondements d'une compréhension spécifique de la culture musicale. Cette approche ne se justifie pas, même dans le cas d'un compositeur comme Mozart. Par exemple, les bois et les cors en particulier ont tendance à interpréter les staccatos en les embellissant: ils les adoucissent au lieu de les jouer de manière saccadée, car ils souhaitent jouer de manière plus musicale, plus cultivée, plus élégante. Ceci peut souvent s'avérer être l'approche exacte, mais le chef d'orchestre doit parfois demander le déplaisant, le clair, le fanatique, le détestable comme éléments esthétiques même dans l'exécution de Mozart ou de Beethoven, sans parler de Mahler. Un chef d'orchestre ne peut interpréter la musique de Mahler en respectant fidèlement la partition que s'il la dépeint comme déchirée, comme toujours luttant avec elle-même. Les éléments sont en perpétuelle lutte les uns contre les autres dans Mahler: là où la beauté existe, existe aussi la laideur et l'on doit souvent être très attentif à mettre suffisamment cette lutte en évidence. Les déchirements incessants de Mahler nécessitent un type spécifique d'interprète, quelqu'un lui-même en proie à ces déchirements (comme beaucoup d'artistes) ou pour lequel ces déchirements ont eu une résonance à travers les circonstances de sa propre vie. Un tel interprète devra obligatoirement faire ressortir ces éléments contradictoires. Dans la musique de Mahler, ces déchirements servent à la fois de coupures et de liens.

Je suis persuadé que nous n'avons réussi à comprendre la musique de Mahler que depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Je ne veux pas parler de l'aspect «technique» de la musique ni des similarités avec la musique contemporaine, mais de la compréhension globale qui sous-tend la musique. Une catastrophe telle que celle décrite dans le finale de la Sixième Symphonie ne peut être comprise qu'après Hiroshima et Auschwitz.

Mon objectif dans l'interprétation était de permettre, à l'intérieur d'une structure symphonique rigide ne devant sous aucun prétexte être détruite, aux oppositions et aux extrêmes contenus dans cette musique leur pleines possibilités de développement, et de faire ressortir la coloration orchestrale typiquement mahlérienne, à savoir les influences folkloriques, en tant qu'élément tiers.

Afin de parvenir à une interprétation conséquente et à l'unité des oeuvres de Mahler, je pense nécessaire de jouer le cycle chronologiquement et dans un court laps de temps dans la même salle de concert (dans le Alte Oper de Francfort à l'acoustique superbe), devant le même public et avant tout avec le même orchestre, un orchestre ayant atteint la plus profonde familiarité avec le langage musical de Mahler après de nombreuses années de travail continu.

Les symphonies de Mahler sont merveilleusement proches de notre vie contemporaine et de notre réalité. Nous en sommes plus conscients à présent que nous ne l'étions dix ans auparavant. Mahler est le compositeur moderne par excellence. Sa musique reflète pratiquement la totalité de nos espoirs et de nos angoisses actuelles et ceci pour beaucoup, beaucoup d'entre nous.

Eliahu Inbal"

 

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